Notre Premier Ministre a déclaré récemment qu'"il ne faut pas avoir peur des équations impossibles", concernant les questions environnementales et le développement durable. J'ai tout de suite pensé qu'il faisait allusion à l'équation de Kaya, qui est expliquée ici : http://www.manicore.com/documentation/serre/kaya.html

    L'intérêt de cette égalité est de casser une grosse inconnue, GES, les émissions annuelles de gaz à effet de serre, en plusieurs petites inconnues plus facilement abordables. Certes, l'auteur de cette page internet faisait une réflexion au niveau mondial. Qu'en est-il au niveau français? Peut-on dire que l'équation est impossible?

    Ce même Premier Ministre, conscient de la gravité du problème du changement climatique, avait déclaré que la France avait pour objectif de diviser par 4 ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050. En effet, c'est un objectif nécessaire pour ne plus augmenter la concentration de l'atmosphère en CO2 : chaque habitant devra émettre moins de 500kg de carbone par an (avec une population de 6 milliards d'habitants), et les français en émettent en moyenne 2 tonne/an actuellement. À l'occasion de l'entrée en vigueur du protocole de Kyoto, le Président de la République a récemment réaffirmé cet objectif de division par 4.

    Que pouvons nous dire par rapport à l'équation de Kaya appliquée à la France? Celle-ci s'écrit :

    GES = GES/TEP * TEP/PIB * PIB/POP * POP 

    L'objectif pour 2050 est de diviser GES par 4. Ainsi, en faisait les rapports des terme de l'équation en 2000 et en 2050, le terme de gauche doit être 1/4.

    Qu'en est-il des termes de droite? Comme nous allons le voir, l'avenir laisse place à des objectifs ou évolutions déjà connus, d'où l'intérêt de développer GES avec ce produit de termes. 

    Quelle sera la population française en 2050? Pour simplifier, nous allons la supposer constante, bien qu'en réalité elle augmente légèrement de nos jours. Et d'autre part, nous pouvons regrouper les termes PIB/POP * POP = PIB . En effet, l'ancien ministre de l'économie, M.Sarkozy, avait déclaré que la production de richesse du pays serait doublée d'ici 2030, et donc on peut "raisonnablement" supposer une multiplication par 3 ou plus d'ici 2050. Je ne pense pas que les ministres de l'économie qui suivent, le Premier Ministre ou le Président soit en désaccord avec M.Sarkozy sur cette idée de croissance du PIB.

On a pour l'instant  1/4 = GES/TEP * TEP/PIB * 3. 
TEP/PIB peut-il être réduit, donc l'efficacité énergétique de l'économie augmentée? Suivant ce que a déjà été dit sur http://www.manicore.com/documentation/serre/kaya.html, et en étant optimiste, TEP/PIB pourra être divisé par 2.

D'où :  1/4 = GES/TEP * 1/2 * 3

    C'est alors qu'on en déduit facilement que l'objectif du Premier Ministre, d'accord pour diviser par 4 les émissions de GES et tripler le PIB, ne croyant pas en une miraculeuse augmentation soudaine de l'efficacité énergétique, revient à diviser par 6 le contenu en carbone de l'énergie utilisée, GES/TEP. Réduire le contenu en carbone de l'énergie, cela se fait en augmentant la part de nucléaire ou d'énergies renouvelables.
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    La question du bilan énergétique de demain demande donc à être étudié plus en détail. Suivant le produit TEP/PIB * PIB, on conçoit que les objectifs conduisent à une mutlplication par 1,5 de la consommation d'énergie française en 2050.
    En 2000, elle a été, en ordre de grandeur et en énergie primaire, de 250Mtep (millions de tonnes équivalent pétrole), dont 100 de nucléaire, 20 d'énergies renouvelables et 130 d'énergie fossiles ( 90 de pétrole, 30 de gaz, 10 de charbon).

    En 2050, suivant ce qui a été dit plus haut, elle sera de 375Mtep. On considère que la production nucléaire n'augmente pas, eu égard aux dangers que présentent cette énergie. Pour diviser par 6 les émissions de gaz à effet de serre, il faut réduire l'usage des combustibles fossiles d'autant : de 130Mtep/an, leur consommation passera à 25. 
    375-100-25 = 250Mtep par an, voilà ce que devra donc être la contribution des énergies renouvelables au bilan énergétique, contre 20 aujourd'hui.
    Qu'en est-il de leur potentiel? Voici les estimations hautes :
    - le potentiel hydraulique est déjà presque exploité à 100%, fournissant 8 Mtep/an.
    - celui de l'éolien est limité, moins élevé que celui de l'hydraulique.
    - avec la surface de forêt française actuelle, 14 millions d'hectares, on peut obtenir 40Mtep de bois.
    - les biocarburants peuvent fournir 70Mtep, en affectant la moitié des surfaces agricoles à leur culture(!!!)et en utilisant le nucléaire ou le solaire pour les procédés demandant de la chaleur.
Manquent 120Mtep sur les 250.
    - le potentiel de l'énergie solaire n'est pas limitée, mais il coûte au minimum dix fois plus cher de capter cette énergie (autrement que sous forme de chauffage ou chauffe-eau, de chaleur basse température) que l'éolien ou l'hydraulique. Même si ce coût est divisé par 3, produire massivement de l'énergie avec le solaire demandera quand même d'affecter au moins 10% du PIB à poser des capteurs solaires. À comparer avec les quelques dixième de % du PIB consacrés à l'ADEME et au ministère de l'environnement (qui ne s'occupent que d'énergie non plus).

    Par ailleurs, on note qu'installer 230 Mtep pour 2050 de structure produisant des énergie renouvelable revient à en installer en moyenne de quoi faire 5Mtep/an, soit installer l'équivalent de 30GW d'éoliennes par an (objectif : 10GW en tout d'installés pour 2010, au plus, soit 2GW/an), ou poser 50km²/an de modules photovoltaïques, qui coûteront bien 20 milliards d'euros même en baissant le prix du Watt crête...

    Alors, malgré tout cet optimisme dans les estimations avec toutes les approximations favorables que j'ai dû faire, je pense que oui, on peut dire que l'équation est impossible avec la volonté du Premier Ministre de "développement durable". 
    Non, il ne faut pas en avoir peur quand même car à l'avenir, nous aborderons cette équation tout autrement que les hypothèses des ministres et économistes. En effet, je ne permettrais pas d’évoquer les mauvaises nouvelles si nous ne pouvions rien faire pour leur trouver des solutions, comme dit l'auteur du texte de http://www.kokopelli.asso.fr/actu/new_news.cgi?id_news=12 . Mais elles ne seront pas l'objet de cette page, ni à l'ordre du jour pour cette fois.